Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Iles où l'on ne prendra jamais terre
Archives
16 décembre 2008

La buée sur la vitre

« Au lieu d’assumer ma peine dans sa totalité et son accomplissement, de lui faire face, d’en exprimer au moins la douleur en en parlant directement, je l’avais transformée en un mystérieux sentiment, par des jeux de tromperies, d’oublis, et de changements de points de vue de mon esprit .

Ce sentiment a réuni le monde parallèle et la culpabilité qui m’habitaient. Comme il ne s’agit pas entièrement d’un moment de transparence, et comme, pour cette raison, il s’agit d’une chose qui voile la vérité et nous permet ainsi de vivre plus tranquillement avec elle, comparons cette tristesse à la buée qu’accumule sur les vitres d’une fenêtre un samovar continuellement allumé par un froid jour d’hiver. J’ai choisi cette image parce que les vitres embuées éveillent en moi la tristesse. J’aime encore beaucoup les regarder, et ensuite me lever pour écrire ou dessiner dessus avec mon doigt. Dans cet acte, il y a quelque chose d’analogue à parler de la tristesse. En écrivant et dessinant avec mon doigt sur la vitre embuée, à la fois je dissipe la tristesse qui m’habite, je me distrais et, au terme de tous ces exercices graphiques, une fois la vitre nettoyée, je peux voir le paysage au-dehors. Mais, en fin de compte, le paysage lui aussi nous parait triste. Il nous faut tenter de saisir un peu ce sentiment qui fait figure de destin pour toute la ville. »

Orhan PAMUK, Istanbul, traduction française in collection folio.  

Publicité
Commentaires
Iles où l'on ne prendra jamais terre
Publicité
Iles où l'on ne prendra jamais terre
Publicité