Re-belote
Oups, ça fait bizarre, non? Avant, il me parlait de mon succès assuré en amour, de mon impatience coupable au travail, de mes relations sociales assymétriques et là, une citation sur les gens qui se croyaient indispensables.
Annette m’a dit « Magguy, tu ne devrais pas le laisser commenter si librement ta vie. Ni amoureuse ni professionnelle, ni sociale. Et de toutes façons, tu n’aurais jamais du non plus le laisser revenir dans ta vie. » C’est vrai qu’après notre premier fiasco d’adolescent… il aurait mieux vallu. Mais bon, être une femme libérée, c’est pas si facile.
Annette, c’était l’animatrice de l’heure des dédicaces de Magic FM. C’est un peu à cause de Jean-Yves que j’ai sympathisé avec elle, à force de l’appeler pour passer des dédicaces de chansons, on a fini par se parler et par se donner rendez-vous. Ce n’était pas très compliqué, la radio était vraiment à deux pas de mon immeuble.
Annette et moi on a passé des heures au téléphone pour interpréter le sens d’une des dédicaces de Jean-Yves.
Il faut dire que Jean-Yves et moi, c’est quand même vachement compliqué. Après m’avoir larguée une première fois, une semaine avant l’oral du bac français que j’ai donc, je vous le rappelle, lamentablement planté, il s’est pointé deux semaines plus tard, à peine annoncé par une nouvelle dédicace sur Magic FM : « Papa don’t preach » pour ma Magguy d’amour de la part de celui qui a de l’eau dans les yeux ». J’ai rien compris. En anglais j’étais une vraie bille, et j’ai du demander à ma copine Annette de quoi parlait Madonna dans cette chanson. « D’une ado qui a un bébé toute seule m’a expliqué Annette. » Ben nous voilà bien ! Je n’étais pas enceinte que je sache…
« Ah ah c’est pt’être lui qui l’est ! » m’a ri au nez Annette avant de raccrocher sous les huées de sa mère qui brandissait à bout de bras la facture de téléphone.
Je ne sais pas pourquoi j’ai laissé Jean-Yves entrer de nouveau dans ma vie dix ans plus tard. Magic FM avait depuis longtemps été racheté par Skyrock et Annette n’animait plus les dédicaces depuis belle lurette.
Après avoir raté mon bac à cause de Marc Lavoine, j’avais finalement accepté de travailler dans le salon de coiffure de ma tante et avait même réussi une formation en apprentissage. J’y travaillais depuis quelques années déjà, et sans me vanter, le salon avait gagné plein de clientes quand Jean-Yves entra et mit une blouse bleue en me regardant niaisement. Pourquoi est-ce que je lui trouve un air niais à ce garçon et ne peux en même temps pas l’envoyer promener ?
J’ai du coiffer Jean-Yves, je lui ai même fait un superbe brushing, mais lui m’a dit que j’étais trop impatiente et que dans la coiffure, l’impatience ce n’était pas possible rapport aux temps de pose obligatoires.
« Mais , a-t-il ajouté, en arborant un sourire encore plus craquant, ton succès est assuré en amour » et d’ailleurs le sèche-cheveux dans tes mains fait un peu doublon avec tes yeux revolvers… » Je me suis sentie Calamity Jane, Bonnie et…
Bref, j’ai encore craqué. Jean-Yves a commencé à prendre de
plus en plus de place et dès que j’avais balayé le dernier cheveux par terre,
je me ruais dans son appartement. Evidemment le soir où il a commencé à parler
d’Annette en me disant que, nos relations étaient quand même drôlement
assymétriques, j’ai tiqué, un peu. Et puis j’ai pensé à « Papa don’t
preach » et j’ai préféré me taire. Je lui proposé de venir rafraîchir sa
coupe au salon. C’est là qu’il a commencé à me sortir ce truc, cette citation
sur les gens qui se croient indispensables. Quand je pense que les citations, c’était
mon rayon ! Quelle gourde ! Mais pourquoi est-ce que je ne suis pas
plus libérée ?
Ce texte est, je le précise pour ma copine D qui découvre mon blog, une fiction : c'est ma participation a un jeu "sabliers givrés" menés par Kozlika. L'amorce, (les deux lignes en italique) était proposé par Saperli.