Sauce prophète
J’ai apparemment raté de grands moments et de beaux débats ! Mais il n’est pas trop tard pour rattraper. Ainsi donc nous (les rejetons de l’immigration turque) avons désormais nos Chadort Djavan et nos Fadela Amara. Il faut croire que je retarde. Mais j’aurais du m’en douter, le sujet est très porteur actuellement…
J’ai donc pu me pencher d’un peu plus sur les ouvrages de
- Necla Kelek, La Fiancée importée aux éditions Jacqueline Chambon
et
- Seyran Ates, La traversée des flammes, éditions Calmann-Lévy.
Les deux ouvrages traduits de l'allemand traitent comme vous vous en doutez de la condition féminine turque et dénoncent, les mariages arrangés, le quotidien oppressant les violences qui sont faites aux femmes. Les deux livres relatent les entretiens que ces deux femmes libres d'Allemagne ont menés avec leurs congénères "importées" et battues. Certains témoignages sont même bouleversants.
Il faut dénoncer ces violences. Loin de moi l’idée de les nier. Pour en avoir vues moi-même, je sais qu’elles existent. Encore faudrait-il pouvoir maîtriser son discours et chercher les véritables raisons de ces violences au lieu des les imputer à des déterminants religieux qui ne tiennent pas la route deux minutes.
Il faut dire que Seyran Ates, n’a pas beaucoup eu de chance avec moi parce que j’ai commencé mes lectures par la lecture de Necla Kelek, qui se dit sociologue. Sociologue ! Eh bien mon Weber ! le livre est parfois autobiographique, ou se mêle de faire de l’islamologie à deux sous en expliquant par les pratiques du prophète Mohomet, les agissements des hommes turcs d’Allemagne. Ben oui, c’est bien connu, le prophète était polygame. Donc les hommes musulmans aussi. Plus essentialiste, tu meurs. Il y a même des pages croustillantes qui ferait le bonheur des orientalistes sur les pratiques du harem et le commerce des femmes dans l’Empire ottoman. Et puis entre deux propos dignes du café du commerce, Necla Kelek nous parle de son grand-père qui faisait lui aussi commerce de femmes, les belles Tcherkesses.
Comment une sociologue a-t-elle pu commettre ça ? Et comment un éditeur a t-il pu accepter de le publier ? Certes cela fait vendre. Au moins conservera-t-on l’idée que nos jeunes turquettes sont plus « intégrables » que les sauvageons dont quelques exemplaires traînent aussi par chez nous, en nos paisibles banlieues. Chaque pays ses "ni putes ni soumises"… On n’est pas sorti de l’auberge.
Des sociologues allemands ont fait circuler une pétition contre Necla Kelek, soulignant que la flambée des mariages arrangés s’expliquait aussi par les politiques d’immigration restrictives. Et qu’a répondu la « sociologue » ? Que les mariages arrangés existaient aussi en Turquie. Et hop encore une réponse culturaliste. Sûrement qu’ils existent ces mariages. Je ne le conteste pas. Mais dans quelles couches sociales ? Pour quelles raisons ?
Le ton péremptoire et haineux de la « sociologue » n’a pas aidé à me pacifier non plus.
L’ouvrage de Seyran Ates traite des mêmes problèmes, sauf qu’il ne mêle pas le prophète à toutes les sauces. Le ton est aussi moins (faussement) « docte », plus modeste et par là il se laisse lire. C'est surtout son engagement véritable qui inspire le respect. Et même si son propos est parfois mâtiné de contradictions (les Turcs, et les Kurdes semblent génétiquement enclins à la violence écrit-elle à un moment, c'est là une spécificité culturelle), on comprend que cela provient des réelles difficultés qu'elle a traversées (elle a été victime d'un attentat, le livre sous-entend qu'il était orchestré par les milieux facistes turcs). Son engagement dans la défense des femmes semble sincère, et mérite quand même le détour.
Tout de même, je ne sais pas vous, mais moi je vais retourner à des lectures moins démonisantes. Ou me remettre à la sociologie. C’est selon.
J'ajoute une présentation - très parlante- de l'ouvrage par l'éditeur de Necla Kelek
" Il faut donc que nous soyons conscients que les mariages forcés ou arrangés constituent les symptômes d'une confrontation politique, culturelle et religieuse * qui touche aux racines mêmes de notre démocratie. Si nous les acceptons comme une spécificité culturelle, comme privilège d'une civilisation étrangère, islamique ou autre, nous saperons notre société civile démocratique avec ses lois fondamentales et ses droits à la liberté individuelle. "
* c'est moi qui souligne... cette expression ne choque pas plus que ça l'éditeur...
Je vous le dis moi, ce n'est même pas la peine d'essayer de faire quelque chose de nous, on devrait nous renvoyer directement chez les sauvages. Mais heureusemement, ouf, l'honneur est sauf, c'est une sauvage qui dit ça, pas De Villiers.