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Iles où l'on ne prendra jamais terre
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29 juin 2006

Privés de Turquie

On vient enfin de se décider. Nous n'irons pas en Turquie cet été pour les vacances.
Pendant 15 jours en juillet je vais répéter ma pièce de théâtre dans un gîte que la troupe a loué dans les Ardennes.
Ensuite nous irons chez un ami d'ami avec des amis à Montpellier en août.

Je suis toute triste. Cela veut dire que je ne connaîtrai pas cette année la chaleur humide d'Izmir, pas de vent sur le Bosphore, pas de librairie turque où vadrouiller pendant des heures pour voir ce qui est sorti, traduit, depuis un an.
Pas de musique ouverte à fond la caisse dans les dolmus (minibus-taxi collectif) roulant à tombeau ouvert sur les routes poussiéreuses. Pas de sensation de légèreté et d’insouciance des couchers de soleil brisés par les rythmes endiablés et la sensualité de pacotille des chanteurs de pop aux yeux verts.(En Turquie tous les chanteurs de pop ont les yeux verts et les hanches souples ;-). Pas de soirée à traîner en bord de mer, en regardant les étalages de revendeurs de livres à la sauvette (une plaie de l'édition en Turquie ces livres corsaires), à boire un thé bien rouge avec les amis sur une terrasse à Maltepe, ou ces derniers temps,  au prix où ils vendent le thé désormais, sur leur balcon, à regarder les îles aux Princes, à les écouter parler, toujours avec beaucoup de légèreté et d’humour, de l’année passée, du gouvernement d’Erdogan, de leur modernité, de l’Europe, de la cherté de la vie en Turquie, de la dégradation des rapports sociaux, de la corruption. Allez savoir pourquoi, nos amis d’Istanbul sont exclusivement des conservateurs (dans leur discours seulement).
Pas de petit déjeuner tomate-feta pastèque où je regarde mon amie Süreyya faire des délicieux börek au fromage ou aux épinards en me parlant de son régime. Il faut absolument que je vous parle de Süreyya. Cette fille, avec son foulard qui va qui vient sur la tête, ses cours de gym et sa maison décorée comme  celle des photos des magasines féminins français, c’est à elle toute seule toute la Turquie.
Pas de longues journées de bafouillage avant je ne retrouve un turc à peu près fluide. Pas de longues après-midis chaudes à faire la sieste en bouquinant et écoutant de la musique, en reniflant l’odeur de thym brûlé par le soleil monter à la fenêtre et en entendant de temps à autre l’appel du vendeur de pastèques et de melon ou le matin du vendeur de simit (couronne au sésame). A rassurer ma fille que l'appel à la prière, venu d'elle ne sait où, inquiète toujours au début du séjour. 
Cela veut aussi dire que ma fille ne verra pas sa grand-mère, qui va vivre ça difficilement. Et moi je ne verrai pas mes tantes et mes oncles et ne pourrai pas participer aux commérages de l'année sur le mariage prévu de notre petite cousine Toubâ qui a "choisi" un musicien sans le sou et apparemment peu fiable et très infidèle pour échapper aux pressions de son papa trop jaloux. Alors se mariera-t-elle ? Ne se mariera-t-elle pas ? Comment convaincre sa famille de prolonger la période de fiançailles, histoire qu'elle se fasse une idée de ce qui l'attend ? Sachant que le divorce reste encore difficile, cela me fait de la peine pour elle, si timide, si peu débrouillarde. C'est dingue ça, j'ai déjà condamné le jeune homme sans même l'avoir vu !

Cela veut dire aussi que le turc de ma petiote va encore régresser cette année. Cela me rend triste.

Mon mari ne veut pas cette année aller en Turquie car il a de plus en plus de mal à faire face aux difficultés financières que vit sa famille. Le fait de ne pas réussir à les aider plus qu’il ne le fait le rend très mal à l’aise avec l’idée de se payer des vacances qui nous reviennent très cher alors que nos parents vivent de plus en plus mal la crise économique.
Et moi j’aime la générosité de mon homme. Même si j’aimerais bien qu’il culpabilise un peu moins.

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Commentaires
A
Poisson-Scorpion: tu me fais horriblement envie avec <br /> cette description ! <br /> <br /> Otchoz: Effectivement. Ironie du sort, il a fait bien plus chaud en juillet dans les Ardennes qu'à Montpellier en août !
O
Finallement on s'est vraiment croisés ! J'habite du coté de Montpellier ...
P
Chere Ada, tu est donc en train de rater l'ete leplus chaud d'Istanbul depuis quatre ans; pas une goutte de pluie depuis la fin de mois de juin, des gens qui plongent dans le Bosphore et frolent ces bateaux de "tour du Bosphore" avec leur musique trop forte et leurs panaches de fumee dans les manoeuvres; les vendeurs de doners se sont a leur tour mis a frire, et fondent en grosses gouttes de graisse; les chats dorment sous les voitures, mais les pieds glissent toujours lorsqu'on descend de la tour de Galata vers Karakoy, car les paves sont chauds; les mosquees touristiques se deforment dans le mirage, tandis que les pas ralentissent sous l'averse legere des jets d'eau; la Corne d'or fait des bulles que poussent de gros poissons venues du fond chercher de l'oxygene en surface; face au cimetiere et au nid d'aigle de Piyer Loti les rameurs ont renonce a franchir quoi que ce soit.<br /> Festival de dondurma<br /> de pasteques qui craquent sous le couteau<br /> de melons jaunes et noirs<br /> de raisins emplis de soleil<br /> Face a Eminonu les dauphins brisent avec leurs dos les eclats de verre de la mer de Marmara<br /> Les chevaux peinent a Buyuk Ada<br /> Les bateaux bondes<br /> tanguent et font danser au loin<br /> Bostanci.
A
C'est gentil de dire ça. Vous avez raison Davistanbul, la France ne me rendra joyeuse que si je lui en laisse l'occasion !
D
Je comprends votre sentiment de manque, la Turquie envoute. Je vis à istanbul depuis 2 ans et tout ce que vous décrivez n'est pas une image d'épinal mais bien vos sens qui parlent. <br /> Néanmoins, la france vous rendera aussi joyeuse cette année, si vous apprenez à l'écoutez aussi bien que la Turquie. <br /> De mon coté, la chaleur éprouvante de Stamboul avec ses étals toujours si colorés m'invitent à profiter encore davantage de ma chance. <br /> Bonne Vacances à vous, et sachez que vous manquerez à Istanbul !
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