Sommeil
Le blog et moi on se regarde en chien de faïence. Ou plutôt il me regarde. Comme ces jouets-chiens installés sur les plages arrière des voitures et qui hochent la tête à mesure que la voiture avance. Hochement à interpréter exactement selon votre humeur : approbation, ironie, condescendance ? Et moi est-ce que j’avance ? Difficile à dire.
Maintenant que je suis en vacances, je n’ai même plus l’excuse du débordement pour ne pas « alimenter le blog ». Je me suis demandé si je ne craignais pas, en écrivant ici, de fixer des idées et des sentiments sur ces jours qui passent. Finalement, ne pas nommer tout ce qui s'écoule en me laissant un peu pantoise, c’est feindre d’ ignorer.
Je m’enfonce à la verticale dans un sommeil douceâtre et un peu coupable. Je regarde le siècle qui n’en finit pas de naître dans un peu plus d’horreur chaque jour. Je m’enfuis dans les mots et les images des autres, dévorant livres et films dans un délire d’impressions qui me rend adolescente. Entre deux livres d’écrivains algériens, d’images grimaçantes de guerre civile, et pour finir de bombardements turcs en Irak, je me suis même complue à lire Houellebecq, me demandant dans un moment d’angoisse ce qui était le pire. A Bruges, mon compagnon et moi avons passé presque une heure plongés dans le Jugement Dernier de Jérôme Bosch. Inquiétante fascination, surtout dans cette ville au décor en dentelles de maison de poupée, à l’odeur de chocolat.
Nous fêtons nos dix ans de mariage.
A la fin, toujours, j’abandonne, je m’endors, au doux dans les bras de mon bien-aimé à la tendresse infinie. Dehors il fait froid. Le lit défait dans cette chambre confortable au décor suranné et dans laquelle je me sens tellement déplacée, m’engloutit dans ses entrailles.