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Iles où l'on ne prendra jamais terre
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7 octobre 2006

Poser sa voix

Quelle bizarre impression que celle de parvenir encore et toujours à un carrefour infranchissable. J’arrive dans le théâtre. Je pose à peine mes deux sacs : l’un rempli de copies d’élèves, l’autre de mes habits de rechange pour ce week-end de répétitions.
Je suis sur scène avec sur le sur le dos le rôle d’une improbable fille de banlieue. Mince !
Ma voix transperce ma gorge. Dedans se cache Younès, toujours lui, mon élève de terminale que nous venons d’exclure trois jours et dont l’absence distille sur mes cordes vocales le poison du doute.
Il y a aussi sûrement les reliefs de ma dernière conversation avec mon mari. Je n’arrive pas à parler turc en ce moment. C’est étrange. Mes voix se confondent, réveillant chez lui des interrogations à mille lieux de mes doutes à moi, mais que je ne parviens pas – et pour cause- à exprimer.
Ma voix se perche de nouveau. Je ne sais que faire de toutes ces émotions qui m’aiguisent. Je tremble. Le metteur en scène me dit qu’il ne comprend pas pourquoi je me prends la tête avec la hauteur de ma voix. Les scènes s’enchaînent. Mes compagnons de jeu dansent une scène pour dire l’exclusion. Eux non plus n’ont pas trouvé les mots. Mais ils parviennent malgré tout à signifier.
Je dors d’un sommeil agité.
Je suis salle 23. Les élèves travaillent sur une carte des décolonisations. Je me concentre. Mon cerveau et ma voix, encore elle, se livrent leur guerre d’indépendance.
Une heure plus tard, la même salle. Je lis un texte de M. Duras. Les élèves ne comprennent pas la phrase « J’avais des obligations envers moi-même » ou quelque chose comme ça.
J’explique. Rationalise. Je rassemble les morceaux épars. J’ai mal à la gorge.
Dans le métro, ma voix se pose tout à coup : je peste et dis un gros mot. Comme une adolescente.

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Commentaires
I
Nous ne nous connaissons jamais assez ...
A
Le gros mot était celui d'Ubu roi bien sûr, je règne sur le métro moi ! Merci mystérieux Anh Hai.... Bises à toi aussi. (ainsi qu'aux tiens..) <br /> <br /> Ikdix, Bloguette, c'est amusant hein, on se "connait " ? à force !
A
c'était quoi le gros mot?...<br /> <br /> merci pour ton blog. bises.<br /> <br /> A2
I
Que de chemin parcouru depuis que je te connais !<br /> <br /> Chacun suit sa route ... et se retourne au moment d’atteindre le carrefour infranchissable ! Les doutes assaillent. <br /> « Le cerveau et la voix se livrent leur guerre d’indépendance ! »<br /> Alors il est difficile d’ajuster ses « voix » pour mieux choisir sa voie. <br /> L’exclusion ? Faire le pas ? Choisir ...<br /> Et oui, on a « des obligations envers soi-même ».<br /> Tout est dit ...
B
Moi non plus je ne suis pas sûre d'avoir tout bien compris, Ada, mais ce que je connais bien, en revanche, c'est ce chaos intérieur que tu décris. Dans ces moments-là, comme ces jours-ci, ma seule parade est de me taire. C'est pas terrible ...
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